Résumés

François BLARY & Denis BOUGAULT: Un cas de tentative nécropsique au XVe siècle

Le site de la Charité de Château Thierry a été fouillé en 1989. Ce site semble n'avoir été occupé sous forme d'une maladrerie qu'à partir de la seconde moitié du XIIIe siècle. Les deux tiers du cimetière ont été mis à jour. Quatre phases d'inhumations ont été distinguées et qui s'échelonneraient du XVe au XVIIe siècle.
Un squelette provenant de la sépulture 36 et appartenant à la phase trois des inhumations, présente des traces de sciage au niveau des membres inférieurs droit et gauche.
L'analyse taphonomique et paléopathologique est en faveur d'un geste post-mortem. L'hypothèse d'une tentative nécropsique semble confortée par d'autres constatations paléopathologiques sur d'autres individus du cimetière ainsi que par l'existence de sources écrites attestant la présence d'un praticien local à la fin du XVe siècle.

 

Edina BOZOKY: Lieux sacrés, lieux de guérison dans la nature au Moyen Age

Dans cette communication, il s’agira de présenter les traces du passage des saints ou de leurs reliques dans la nature qui deviennent lieux miraculeux, lieux de guérison. En effet, au témoignage des récits hagiographiques (vies, récits d’invention et de translation de reliques, récits de miracles), les malades trouvent soulagement à leurs affections non seulement dans les sanctuaires, auprès des reliques, mais aussi dans quelques lieux qui se trouvent dans la nature: sources, grottes, traces diverses dans le paysage, lieux du dépôt provisoire de reliques, ou lieux originels de l’inhumation des saints. La fréquentation de ces lieux sacralisés subsiste d’ailleurs souvent au-delà du Moyen Age. La présentation s’articulera autour de trois thèmes: la typologie des lieux; la révélation du pouvoir thaumaturge; la permanence du pouvoir guérisseur.

Dominique CASTEX & Sacha KACKI : Les épidémies médiévales et modernes: évolution des savoirs  médicaux et des expressions sépulcrales

Les épidémies du passé ont de longue date fait l’objet de travaux de la part des historiens, qui disposent pour les périodes médiévale et moderne d’une riche documentation textuelle et iconographique. Ces sources, inestimables pour appréhender les conséquences démographiques, sociales et économiques des crises de mortalité, sont peu explicites sur la question du traitement sépulcral adopté dans de tels contextes. Les rares témoignages aaccessibles pourraient laisser croire que ces vagues meurtrières ont systématiquement entraîné l’abandon des pratiques funéraires en vigueur au profit de mises en terre hâtives, pratiquées hors des lieux d’inhumation consacrés. Mais qu’en est-il réellement? Les sites funéraires en relation avec des crises de mortalité de nature épidémique, longtemps négligés dans ce questionnement, sont susceptibles d’apporter de précieux éléments de réponse. Ces témoins archéologiques, dont l’effectif n’a cessé de croitre, permettent aujourd’hui d’apprécier la variabilité des expressions sépulcrales en temps d’épidémie et d’esquisser leur évolution au fil des siècles. À travers plusieurs exemples, nous illustrerons cette diversité, en nous attachant à mettre en exergue d’éventuelles spécificités géographiques et temporelles du traitement des défunts. In fine, les modifications progressives des modalités d’ensevelissement des victimes d’épidémies seront mises en perspective avec l’évolution des savoirs médicaux concernant le mode de propagation des maladies.

Joël CHANDELIER : Pratiques rituelles de guérison et médecine savante à l’époque salernitaine (XIe-XIIe siècles)

Les pratiques rituelles (gestes, incantations, prières) peuvent-elles aider à soigner les malades et, si oui, comment? Cette question, qui se pose aux médecins lettrés depuis l’Antiquité, acquiert au XIe siècle une importance particulière, alors que la médecine savante est peu à peu redécouverte du fait des traductions de textes médicaux arabes et grecs en Italie et en Espagne. Depuis plusieurs années, les recherches en histoire de la médecine se sont intéressées à ce problème, montrant que les médecins justifiaient, notamment à l’époque scolastique (XIIIe-XVe siècles), l’utilité de ces pratiques non par une action surnaturelle, mais par l’effet psychophysiologique de la confiance du patient dans leur efficacité. Cette communication s’intéressera à la façon dont les médecins ont affronté le problème avant l’arrivée en Occident de la philosophie naturelle aristotélicienne, soit à l’époque qualifiée de "salernitaine" (XIe-XIIe). Le problème, qui a fait l’objet de quelques recherches récentes, mérite d’être repris de (açon systématique, en s’interrogeant sur les conséquences de l’essor d’une médecine rationnelle face aux pratiques rituelles de guérison qui lui préexistent. Pour cela, on s’intéressera aux rituels décrits dans les textes traduits de l’arabe, comme dans le De physicis ligaturis de Qusṭā ibn Lūqā (IXe siècle) ou le Kitāb al-Malakī d’al-Mağūsī (Xe siècle): l’analyse des traductions de ces ouvrages, notamment le Pantegni de Constantin l’Africain (XIe siècle) librement adapté du traité d’al-Mağūsī, permettra de comparer les textes arabe et latin pour en faire ressortir les variations ou les adaptations. De même, en s’appuyant sur les œuvres des maîtres salernitains (notamment Urso de Salerne ou Maurus, au XIIe siècle), il sera possible d’évaluer dans son ensemble la façon dont les médecins lettrés percevaient, justifiaient ou condamnaient ces pratiques.

François COMTE : Médecins, barbiers, apothicaires et établissements religieux à Angers (fin XIIIe-début XVIe siècles)

La médicalisation qui s’opère à la fin du Moyen Age est marquée entre autres par la multiplication des résidences de praticiens dans la ville. Les barbiers et apothicaires s’implantent dans les quartiers excentrés ou dans les faubourgs, tout en restant proches des nouveaux établissements hospitaliers consacrés aux pauvres passants et aux malades spécifiques (aveugles, hydropiques...). Les médecins quant à eux, se rapprochent des lieux d’enseignement de la faculté de médecine ouverte officiellement en 1432. La localisation précise de leurs maisons explique les liens avec les collégiales Saint-Jean-Baptiste, Saint-Martin et Saint-Pierre où se réunissent les médecins régents de la faculté. On connaît également quelques médecins clercs cumulant des bénéfices religieux. Enfin, à l’occasion de leur sépulture, des donations permettent d’entrevoir les rapports privilégiés qu’ils entretiennent avec certaines paroisses, collégiales et même à l’hôpital Saint-Jean où certains d’entre eux se font enterrer au début du XIVe siècle.

Christine DELAPLACE : Des sanctuaires de guérison païens aux miracles de guérison des saints et des reliques dans l'antiquité tardive: l'exemple de la Gaule (IVe-VIe siècles)

On a longtemps présenté le culte des saints et des reliques comme une survivance du paganisme. L'Eglise aurait cessé de lutter contre ce dernier en christianisant les anciens lieux de culte. Les recherches historiques et archéologiques récentes tendent à nuancer ce schématisme hérité du positivisme. Elles introduisent désormais dans le débat la réflexion sur la nature et l'évolution des pathologies et des symptômes connus par nos sources littéraires et archéologiques et ce qu'elles révèlent des mutations dans la relation des Gallo-Romains aux lieux de guérison et aux intercesseurs choisis pour les guérir.

Alessandra FOSCATI : Ignis sacer/ignis infernalis. Les saints taumaturges et la maladie qui brûle les corps

Dans le contexte de la multiplicité des significations attribuées aux maladies durant le Moyen Age, entendues comme actes de punition, moments d'expiation des péchés, mais aussi comme actes d'amour de Dieu, dans la pédagogie élaborée par la théologie chrétienne, une partie significative en est constituée par l'histoire de l'ignis sacer. Une telle maladie, qui conduisait à la dissolution de la chair noircie, de ce qui était perçu comme un "occulto igne" à l'intérieur du corps, a été interprétée, au Haut Moyen Age, comme un avant-goût des peines de l'enfer. Des analogies et des métaphores liées au feu de l'enfer se sont ensuite construites alors que les épidémies étaient considérées par les auteurs médiévaux comme le résultat d’un acte de punition divine, se réfèrant toujours à un péché précis. Les épidémies de brûlure ont agi comme un événement catalyseur pour la création ou le développement du culte de plusieurs saints dans les sanctuaires sur le territoire de Gaule. Cette communication mettra en évidence la façon dont la maladie en question fut perçue durant le haut Moyen Age et illustrera les caractéristiques miraculeuses des saints dont le culte était étroitement lié à la maladie.

Thomas GALOPPIN : Animaux réels, animaux figurés: soigner par le symbole ou soigner par la nature dans la magie de l'époque romaine

La nature ou physis est une notion importante pour comprendre l’histoire de la "magie", ses rapports avec la médecine savante et le ritualisme religieux. Aux premiers siècles de notre ère, dans le bassin méditerranéen, des textes de type "bestiaire" comme les Cyranides, organisent et transmettent un savoir à fonction thérapeutique où les animaux retenus sont "par nature" dotés de propriétés médicales. Parallèlement à ces matières animales, existent des représentations d’animaux, sur des gemmes dites "magiques", qui ont à leur tour un pouvoir thérapeutique. Or, ces gemmes ont une dimension religieuse, laquelle trouve un écho dans des papyrus grecs magiques. En envisageant ces pratiques guérisseuses comme un lieu d’exercice du pouvoir rituel, on essaiera de comprendre par quelle "nature" les animaux réels ou figurés participent à ce pouvoir.

Bénédicte GUILLOT & Aminte THOMANN : Une zone funéraire spécifique aux enfants atteints de carences sévères sur le parvis de l'église Saint-Sauveur de Caen à l'époque moderne (avec Olivier DUTOUR)

En 2011, la fouille de la place Saint-Sauveur de Caen a mis au jour une partie du cimetière de l’église Saint-Sauveur. Cette zone funéraire, d’une surface de 300 m2 et datée des XVIe-XVIIe siècles, regroupe une centaine d’inhumations d’enfants de tous âges, mais dont la majorité a moins de 10 ans. L’analyse paléopathologique indique que plus d’un individu sur deux est atteint de lésions osseuses liées à des carences alimentaires chroniques. Le fort taux de ces maladies carencielles dans l’échantillon indique sans nul doute une période pendant laquelle les conditions nutritionnelles et sanitaires sont particulièrement difficiles. Pour autant, le regroupement de ces jeunes malades dans un espace clos témoigne d’un recrutement spécifique d’enfants fortement carencés. En outre, le caractère évolué des lésions osseuses, particulièrement chez les plus jeunes, laisse présager une survie des individus atteints pendant un certain temps et ainsi, une résistance face à la maladie. Cette résistance est sans doute le témoignage de soins apportés à ces individus, par la famille ou par un institut spécialisé, de type hospice. Le patronyme de Saint-Sauveur, le saint protecteur des enfants, témoigne d’une considération toute particulière dans l’au-delà de ces jeunes individus. Il permet ainsi de discuter d’un relais apporté par l’Eglise concernant la protection spirituelle d’une partie particulièrement fragile de la population quand les soins prodigués lors du vivant par les institutions en place n’ont pas permis la survie des jeunes individus.

Magali de HARO SANCHEZ : Médecine en magie et magie en médecine: antagonisme et complémentarité entre médecine rationnelle et médecine magique d'après les sources papyrologiques et littéraires gréco-latines

Au croisement des savoirs médicaux et des savoirs magiques, les pratiques iatromagiques sont attestées tant dans les papyrus grecs d’Egypte (Ier siècle avant, VIIe siècle après J.-C.) que dans les traités médicaux de l'époque romaine. On présentera les résultats de recherches consacrées aux marqueurs médicaux (vocabulaire de la pathologie, de la thérapeutique et de la pharmacopée) attestés dans les papyrus tablettes et lamelles iatromagiques, confrontés aux marqueurs magiques que l’on peut déceler dans les textes médicaux d’époque romaine. Se fondant sur les résultats de cette analyse pluridisciplinaire, on tentera en conclusion d’affiner le profil de ceux qui pratiquaient la médecine magique dans le bassin méditerranéen antique.


Damien JEANNE : La double chair du lépreux: une accusée piteuse et une humiliée glorieuse. Une question de renommée?

Les mots de la lèpre sont ambigus. Ils relèvent du champ lexical du pur et de l’impur. La lèpre perçue par les clercs balance entre punition et élection divine. Le comportement de la population à l’égard des lépreux est double: redoutable et charitable. Les premiers conciles qui s’occupent du sort des lépreux veillent à ce qu’ils ne vagabondent pas. Simple mesure prophylactique? Volonté de stabiliser une population a priori inquiétante? Comment expliquer que la lèpre soit la seule maladie dont l’individu hypothétiquement atteint est déclaré "suspectus" après 1250? Qui décide qui est lépreux? Symbole d’élection divine, la lèpre est survalorisée au XIIe siècle. Elle appelle à la conversion. Salaire du péché, la lèpre est imputable à un comportement hors des normes fixées par l’Église. Le lépreux traîne en effet avec lui un cortège de lieux communs qui le rend odieux à la population. La tâche du clergé doit corriger ces comportements déviants par une série de rituels. Fondé sur le soin, le gouvernement pastoral de l’Église ne consiste-t-il pas aussi à veiller en permanence à ce que les lépreux des léproseries ne manquent de rien et ne soient objet d’opprobre? En somme, l’identification du lépreux comme un être double - à la fois pur et impur - ne serait-elle pas la marque du sacré qui pourrait expliquer l’attitude équivoque des gens du Moyen Âge?

Marie-Anne MOULIN : Reliques, images et médications: les voies de la guérison dans le duché d’Alençon au XVe siècle

Un catalogue de reliques de l’hôtel-Dieu d’Argentan prouve l’existence, au sein des établissements hospitaliers du duché, de pratiques religieuses concourant aux soins des malades. Les programmes iconographiques des salles des malades et des bâtiments charitables renforcent l’idée d’une intercession divine requise et nécessaire dans la guérison. Cependant, les seuls soins de l’âme ne suffisent pas et les comptes hospitaliers livrent quant à eux des informations relatives aux remèdes mis en œuvre pour soigner. Les sources écrites de l’espace alençonnais permettent d’aborder la question, inédite en Normandie, des pratiques à la fois votives et curatives à la fin du Moyen Age.

Emilie PIGUET : Pourquoi faire parler et agir un dieu comme un technicien? Etude des interactions entre technè médicale et guérisons miraculeuses dans les sanctuaires d’Asclépios

La communication portera sur l’étude des interactions entre savoirs et techniques scientifiques, croyances religieuses et quête de santé des individus dans l’Antiquité, et s’interrogera sur les mécanismes d’élaboration du (faire-) croire en la science d’une divinité. L’objectif sera de comprendre pourquoi un dieu par définition tout puissant, étranger aux lois naturelles, est présenté comme parlant et agissant comme un expert technique. Pourquoi introduire un savoir médical dans le discours d’un dieu? Jusqu’où est poussée la ressemblance avec la figure du médecin? À cet égard, Asclépios fournit un exemple caractéristique de dieu guérisseur parlant et agissant à la manière d’un technicien. L’analyse des sources nombreuses et variées, et entre autres les "stèles de guérisons" d’Epidaure et de Lébèna (iamata), conduira à une double interrogation portant sur les rédacteurs des récits et sur les similitudes entre la technè des médecins et les moyens utilisés par le dieu pour guérir les fidèles. La question des représentations de la divinité et de son "image" sera également posée.

Hélène RÉVEILLAS : Prise en charge des malades et hôpitaux à la période médiévale: l’exemple des cimetières de l’hôtel-Dieu à Troyes et de l’hospice Saint-Ladre à Reims

C’est avec la fameuse "révolution de charité" des XIIe et XIIIe s. (Vauchez 1994) que se multiplient les fondations d’établissements hospitaliers sous l’égide des puissants mais également de simples bourgeois ou de corporations. Le but est alors de retrouver la solidarité fraternelle des premiers disciples du Christ, les "pauvres souffrants" sont des "pauperes christi", des pauvres à l’image du Christ. Les établissements hospitaliers les plus importants fonctionnent comme de véritables communautés, avec une chapelle et un cimetière qui leur sont propres ou du moins un espace funéraire réservé dans le cimetière paroissial. Leur vocation est de prendre en charge les plus pauvres mais tous ne sont pas acceptés: d’après les sources textuelles, les incurables, les malades contagieux et les enfants sont souvent exclus pour des raisons financières, sanitaires ou morales. Elles indiquent aussi que les tombes sont individuelles et l’utilisation du linceul fréquente, les cercueils étant plus spécifiquement réservés au personnel hospitalier et aux donateurs. La multiplication des fouilles archéologiques préventives a permis la mise au jour de plusieurs cimetières d’établissements hospitaliers. Deux ont retenu notre attention pour la période médiévale, celui de l’hôtel-Dieu le Comte à Troyes et celui de l’hospice Saint-Ladre à Reims. Notre étude archéo- anthropologique a porté à la fois sur les gestes funéraires pratiqués envers les sujets inhumés, mais également sur le "recrutement" biologique de l’échantillon découvert. Dans cette communication, nous discuterons des résultats obtenus et de la manière dont ceux-ci nous dévoilent un pan de la société médiévale. Des comparaisons seront proposées avec des établissements récents afin de réfléchir sur l’évolution des pratiques au cours des siècles.

Aurore-Diane SIMON : Complémentarité des lieux de soins et des espaces religieux dans la prise en charge des pauvres malades au sein de l'hôpital médiéval, l'exemple de la Bourgogne

Durant la période médiévale, les structures hospitalières constituent des lieux de soins pour les pauvres malades, en raison des soins qu’on y prodigue, mais aussi parce que l'hôpital est une institution religieuse dont le but est d'accueillir les pauvres et soigner les âmes de ces assistés, tout autant que leurs corps. La complémentarité des pratiques de soins corporels et spirituels transparaît évidemment dans l'organisation institutionnelle des hôpitaux ou la sociologie des personnels hospitaliers, mais elle se retrouve également dans la topographie et l'organisation fonctionnelle des structures hospitalières. L'enquête menée à l'échelle de la Bourgogne a révélé 700 sites hospitaliers pour la période médiévale, localisés et documentés dans un atlas et une base de données. Cet ensemble constitue un socle pour appuyer une réflexion sur la nature du rôle joué par l'hôpital médiéval, au sens large, dans les pratiques de guérison et de soins aux pauvres malades. Quel est l'impact de l'installation des institutions hospitalières dans la topographie religieuse déjà en place et quels liens les hôpitaux peuvent-ils tisser avec les autres lieux de soins spirituels? Que sait-on sur la fonction et l'utilisation des lieux religieux inclus dans les hôpitaux médiévaux (guérison des malades ou purification des mourants)?

 

Katie TUCKER : A Blessed Punishment: Evidence for leprosy at St Mary Magdalen, Winchester

In medieval England, over a quarter of all hospital foundations were dedicated to the care of people with leprosy. It is therefore surprising that, in contrast to a number of important historical works on leprosy, comparatively little archaeological work has been conducted on medieval leprosy hospitals. Excavations since 2008 by the University of Winchester at the site of the hospital of St. Mary Magdalen, Winchester, have achieved the most extensive excavation of a British leprosy hospital to date, with buildings and two cemeteries having been found. Radiocarbon dating confirms that the hospital is one of, if not the, earliest excavated examples from Britain (c AD 1070-90). Analysis of the individuals from the cemetery indicates skeletal evidence for leprosy in over 85% of the excavated individuals, a much larger percentage than has previously been recorded in British material. The demographic profile of the skeletal assemblage is also very unusual with around 50% of individuals being under the age of 25 years at the time of death. A number of these younger individuals also show skeletal evidence for leprosy, something else that has rarely been recorded in British archaeological material. The evidence suggests that, not only was leprosy being successfully identified and individuals institutionalised at a relatively young age but the hospital was providing a good level of care for individuals, both in life and death. This paper, presented by the project osteologist, will present these important findings in the context of wider research on the osteoarchaeological evidence for leprosy at other medieval hospitals.

 

Julien VÉRONÈSE : Protéger, guérir et rendre malade dans la magie savante médiévale (XIIe-XVe siècles)

À partir du XIIe siècle, l’Occident latin connaît, du fait des traductions, un renouvellement profond des savoirs que l’on peut qualifier de magiques dans la mesure où, à l’aide d’un certain nombre de rites et de procédés techniques qui mobilisent les forces de la nature et/ou des intelligences supérieures, ils prétendent produire des effets de manière instantanée. Cette littérature, diffusée principalement dans les milieux cléricaux et universitaires, propose une grande variété des pratiques plus ou moins ritualisées visant la protection ou la guérison du corps et de l’esprit, ou, à l’inverse, la propagation de maux physiques et psychologiques. Les traditions de magie rituelle, dont l’efficacité repose principalement sur l’invocation d’esprits, offrent notamment, sous une forme plus ou moins christianisée, des "remèdes" et des aides au diagnostic conçus comme efficaces et miraculeux, ou, au contraire, des experimenta visant à générer des maladies; elles font en outre, dans certains cas, de l’acquisition de la médecine scolastique un enjeu de premier plan. Cette communication propose donc une synthèse sur les rapports entre magie "savante" et médecine (au sens large) aux derniers siècles du Moyen Age, en insistant sur le caractère profondément ambivalent des artes magice.



Mathieu VIVAS : Corps polluant et espace consacré: le rite liturgique de réconciliation comme purification des églises et des cimetières souillés (Xe-XIVe siècles)

Le rite liturgique de consécration octroie à l’église et au cimetière un statut sacré, ritualisé et institutionnalisé. Cette pratique de définition de l’espace les purifie et les place sous la protection de Dieu: retranchés du monde profane, ils sont, pour l’une, la maison de Dieu et, pour l’autre, la dernière demeure des "bons chrétiens". Les sources écrites rapportent cependant que les espaces ecclésiaux peuvent subir une pollutio, en particulier par le cadavre des païens et des "mauvais chrétiens". Afin d’éviter la contaminatio et de "soigner" l’espace, il est alors nécessaire de procéder à une exhumation. Des actes, entraînant ou non des effusions de sang, peuvent également entraîner une souillure de l’espace ecclésial ou cimétérial. Lorsque la pollutio est avérée, le rite liturgique et solennel de réconciliation, prérogative épiscopale, permet de laver, de purifier et de reconsacrer (purgare, mundare, consecrare denuo): les aspersions d’eau bénite, les encensements et les chants liturgiques sont alors les moyens de recouvrer la pureté. Si la documentation textuelle permet d’appréhender la pollution des espaces (sources liturgiques, normatives, actes de la pratique, documents de gestion, etc.), la réconciliation des espaces ecclésiaux fait aussi l’objet de représentations figurées. L'on montrera que la création du rituel de réconciliation répond à de nouvelles représentations et pratiques à la fois sociales et spatiales, elles-mêmes empreintes de nouvelles exigences normatives relatives à la pureté des lieux ecclésiaux. L'on mettra en avant les rapports que les hommes du Moyen Age entretenaient avec les espaces et le sacré, essentiellement dans le but de pouvoir discuter la notion médiévale de pollution et de contagion.

À Saint Thomas d’Aizier, la vie et la mort dans une léproserie médiévale normande, avec Joël BLONDIAUXCécile CHAPELAIN DE SERÉVILLE-NIELRaphaëlle LEFEBVRE et Marie-Cécile TRUC

Le site de la chapelle Saint-Thomas d’Aizier a été fouillée de 1998 à 2010 dans le cadre d’un programme de recherche sur les léproseries médiévales rurales dans le nord de la France.

Situé en pleine forêt, cet établissement compte parmi les propriétés de l’abbaye de Fécamp. Seule la chapelle romane, dédiée à Thomas Becket, subsiste aujourd’hui à l’état de ruines. La léproserie d’Aizier, petit édifice rural a priori sans importance notable, présente l’intérêt d’être intégralement conservée et d’offrir l’opportunité d’une fouille sinon exhaustive, du moins la plus complète possible. Mentionnée dès le XIIe s. et abandonnée au cours du XVIe siècle, le site est fréquenté ensuite de façon sporadique, le couvert forestier ayant permis une fossilisation de l’enclos et la sauvegarde des vestiges.
Une étude conjointe des sources historiques et archéologiques, alliée à la prise en compte de l’organisation de l’enclos et de son intégration dans son environnement, permet de mieux comprendre cet établissement, son origine, son mode de fonctionnement et son évolution dans le temps.
En outre, la fouille a apporté un éclairage sur les conditions de vie (logements communautaires ou maisonnettes individuelles), sur la structuration des différents espaces (bâtiments de vie, cimetière, passages, clôtures intérieures...) et sur la population inhumée dans les différents espaces funéraires identifiés (plus de 220 sépultures exhumées).
La population inhumée à Aizier est particulièrement intéressante pour l’étude de la lèpre au Moyen Age, pour connaître la perception de cette maladie et appréhender ses implications sociales. Une étude typo-chronologique des modes d’inhumation, une analyse de la répartition des tombes selon divers critères de sélection (âges, sexe ou statut social des défunts) a été entreprise. Les résultats de l’analyse anthropo-biologique de laboratoire confirment une spécialisation des aires funéraires en rapport avec la vocation hospitalière de l’établissement. Les études épidémiologiques ont d’ores et déjà confirmé la part très importante de la lèpre parmi les pathologies observées.

 

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